Gérer l’impact psychologique des MICI - Nos actualités | AbbVie
Skip to main content

Comment gérer l’impact psychologique des MICI ?

En Belgique, 30.000 personnes vivent avec une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI).1 Cohabiter avec la colite ulcéreuse ou la maladie de Crohn n’est pas sans conséquence sur le bien-être psychologique. L’anxiété et la dépression sont le plus souvent rapportées par les patients, près d’un tiers d’entre eux estimant que les professionnels de santé ne prêtent pas attention à ces aspects dans leur prise en charge.2 

 

Afin d’y remédier, des équipes pluridisciplinaires sont créées dans les centres spécialisés tels qu’à l’UZ Leuven : des gastro-entérologues, diététiciens, infirmiers mais aussi des psychologues font partie de l’équipe. Bep Keersmaekers, psychologue clinicienne, propose un suivi psychologique spécifique aux patients et fait la liaison avec l’équipe médicale. Dans cet entretien, elle discute de l’impact émotionnel des MICI au quotidien et donne de nombreuses pistes pour l’acceptation de la maladie.  

Pouvez-vous vous présenter et expliquer ce que vous faites au quotidien ?

Je m'appelle Bep Keersmaekers et je travaille comme psychologue médicale au sein de l'unité MICI de l'hôpital universitaire de Louvain (UZ Leuven). J'accompagne les patients souffrant de troubles psychologiques liés aux MICI.  On peut me contacter principalement dans le cadre de ma consultation ambulatoire, mais je peux aussi me rendre au chevet des patients pour une consultation en cas d'hospitalisation. Je mène également des recherches sur les facteurs psychologiques des MICI, ce qui me permet de fonder mes traitements sur les études scientifiques les plus récentes.

Quel est votre rôle spécifique dans la prise en charge multidisciplinaire des patients atteints de MICI ?

Contrairement à mes collègues, je ne travaille pas sur le traitement des symptômes. Je suis là au cas où le traitement n'aurait pas l'effet escompté et où le patient serait contraint de faire une place dans sa vie à la maladie et à ses symptômes. Avec le patient, je cherche alors à savoir où se situent les difficultés et comment y remédier de la meilleure manière possible.

En quoi est-il important de fournir des soins psychologiques aux patients atteints de MICI ?

Les études montrent qu'une grande partie des patients atteints de MICI rencontrent des difficultés psychologiques en raison de l'impact majeur que la maladie a sur leur qualité de vie. Notre vision consiste non seulement à proposer un traitement aux patients, mais aussi à donner des conseils pour gérer la maladie.

Consulter un psychologue reste malheureusement souvent tabou. Pourtant, nous constatons que la plupart des patients répondent positivement à l'offre d'un psychologue ayant des connaissances spécifiques sur les MICI.

 

 

Comment décririez-vous l'impact émotionnel d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin ? 

C'est bien sûr différent pour chaque patient et ça dépend souvent de la gravité de la maladie.  Quand on souffre beaucoup de la maladie, on peut parfois avoir l'impression d’avoir peu de contrôle et de perdre beaucoup de choses. Soudainement, des choses qui semblaient évidentes ne le sont plus. L'annonce du diagnostic et le fait d'entendre le mot « chronique » représentent déjà une première étape difficile pour beaucoup de gens. C'est le début d'une sorte de deuil, comme si vous disiez au revoir à votre « moi sain ».  Avant, votre santé allait de soi, vous vous considériez comme quelqu'un de fort et en bonne santé, et vous n'aviez aucun doute là-dessus.  Et tout d'un coup, un tel diagnostic vous oblige à changer l'image que vous avez de vous pour devenir « un malade chronique », ce qui peut être difficile à admettre.

D'après votre expérience, qu'est-ce qui est le plus difficile pour les patients atteints de MICI ?

Les patients atteints de MICI ont souvent du mal avec le côté incontrôlable et imprévisible de la maladie. Combien de temps va durer la crise ?  Les médicaments vont-ils faire effet ?  Vais-je devoir me faire opérer ? Est-ce que je vais avoir une stomie ? L'imprévisibilité concerne l'avenir, mais un autre facteur porte sur le passé : l'explicabilité de la maladie.  Est-ce que j'aurais pu faire quelque chose pour l'éviter ? Même si on me dit que non, n'est-ce pas de ma faute ? Aurais-je dû avoir une alimentation plus saine ? Est-ce dû au stress ? Pourquoi ai-je attrapé cette maladie, pourquoi la réalité est-elle si injuste ? Autant de questions face auxquelles les patients peuvent rester désemparés.

Par ailleurs, il y a aussi l'invisibilité des MICI et, pour beaucoup, une certaine ambivalence. D'un côté, c'est bien qu'il ne soit pas écrit sur votre front que vous souffrez de la maladie de Crohn ou de colite. D’un autre côté, l'invisibilité fait aussi que la maladie est parfois sous-estimée par l'entourage, que vous vous heurtez souvent à de l'incompréhension et que vous vous sentez toujours responsable de ce qui n'est plus possible. S'affirmer par rapport à sa maladie est particulièrement difficile tant celle-ci est encore souvent associée à la honte et à une certaine stigmatisation.

Comment encouragez-vous les patients à poursuivre leur traitement même s'ils n'ont pas de symptômes ?

La plupart sont capables d'établir eux-mêmes le lien entre le traitement et l'absence de symptômes. En cas de doute, j'analyse les avantages et inconvénients possibles d'un arrêt du traitement, en confrontant le patient aux risques éventuels de l'arrêt et au fait que ceux-ci ne valent pas le coup par rapport aux avantages. Bien souvent, les doutes quant à la nécessité d'un traitement médicamenteux découlent d'un processus complexe d'acceptation de la maladie sur lequel je travaille ensuite avec le patient.

Avez-vous des exemples de patients qui affrontent la maladie de manière créative ou inhabituelle ?

On rencontre parfois des patients extrêmement résilients, malgré la gravité de la maladie, comme une stomie à un jeune âge. Des personnes sont capables d'accepter pleinement la situation telle qu'elle est et en tirent le meilleur. Mais le plus souvent, cette résilience résulte de la combinaison d'une prédisposition génétique à une bonne résistance au stress, d'un passé peu marqué par l'adversité et d'un solide réseau social. Mais tout le monde n'a pas cette « chance » et il est donc normal que de nombreux autres patients aient du mal à accepter la maladie.

La fatigue est souvent un symptôme tenace. Quels conseils donnez-vous aux patients ?

Beaucoup de patients disent ressentir des pics et des creux d'énergie. Les bons jours, ils enchainent les activités et le paient le lendemain par une fatigue intense. C'est ce qu'on appelle le cycle boom-bust, où vous sombrez chaque fois un peu plus en termes d'énergie. En vous allongeant régulièrement pendant 20 minutes maximum, vous pouvez éviter de dépasser vos limites et reconstituer vos réserves d'énergie. J'utilise aussi souvent la métaphore de l'argent pour l'énergie : quand vous recevez votre salaire ou une allocation, mieux vaut ne pas tout dépenser en un jour pour vous retrouver trop vite dans le rouge plus tard dans le mois. Il est toujours plus sage de répartir l'argent sur le mois pour être sûr de s'en sortir, et éventuellement de mettre un peu d'argent de côté sur votre compte d'épargne.

Avez-vous des conseils pour gérer l'anxiété ?

Une manière très compréhensible et courante de gérer l'anxiété liée aux MICI est de se retirer de la vie quotidienne. Vous ne sortez plus de chez vous, vous passez en mode hibernation et vous vous « mettez hors jeu » pendant quelque temps.  Il est important de souligner que cette réaction est normale, mais le risque est qu'elle devienne permanente. Se retirer de la vie peut, à court terme, apparaître comme une solution simple pour éviter l'adversité, mais à long terme, les conséquences sont rarement positives. En évitant ce qui vous fait peur, vous vous éloignez souvent des choses qui sont très importantes pour vous. Les soirées entre amis, le sport, un resto avec les collègues, ce cours si intéressant que vous vouliez encore suivre, un week-end à la mer... Il n'est certes peut-être pas possible de tout faire comme avant, mais il s'agit de regarder ce qui est encore possible. Il est souvent possible de faire beaucoup plus que ce qu'on pense, de se réinventer un peu et de se réexposer à la vie, pas à pas.

Les patients parlent-ils facilement de leur maladie ? Qu'est-ce qui peut les aider à se confier plus aisément ?  

Cela varie énormément d'un patient et d'un cas à l'autre. D'une manière générale, les patients ont du mal à parler de leur maladie parce qu'elle est associée aux selles. Parler de la maladie suppose en outre d'y être confronté et de devoir y faire face chaque fois en tant que patient, ce que certaines personnes préfèrent éviter autant que possible.

Un point important lorsqu'il s'agit de parler de la maladie avec d'autres personnes, c'est que c'est vous qui décidez de ce que vous partagez, avec qui et à quel moment. Il peut arriver que vous vous sentiez obligé de parler de votre maladie, par exemple lorsque vous avez l'impression de devoir expliquer vos fréquentes visites aux toilettes ou vos rendez-vous réguliers à l'hôpital. Il s'agit de savoir ce que vous êtes prêt à partager. Untel préférera que les autres soient au courant pour pouvoir parler ouvertement et en toute décontraction de certains aspects de la maladie ; un autre, en revanche, préférera garder cela pour lui. Et c'est aussi très bien ainsi. Il est souvent plus difficile de partager des informations avec autrui quand vous avez du mal à accepter la maladie que quand vous avez réussi à lui donner une place. L'ancienneté du diagnostic et la gravité de l'évolution de la maladie jouent bien évidemment aussi un rôle.

Quels sont les trois principaux thèmes abordés lorsqu'il s'agit de faire face aux conséquences psychologiques et émotionnelles des maladies inflammatoires de l'intestin ?

  • L'indulgence. Soyez indulgent avec vous-même et les autres.  Souffrir d'une maladie chronique est déjà suffisamment difficile pour ne pas avoir en plus à se préoccuper constamment de ce que l'on devrait faire de mieux.
  • Le temps pour soi. Essayez de temps en temps de vous poser et de réfléchir à ce dont vous avez vraiment besoin et à la meilleure manière de prendre soin de vous à long terme.
  • La gratitude. Sans nier le fait que certaines périodes puissent être extrêmement difficiles, il peut être utile de concentrer son attention sur les raisons d'être reconnaissant, qu'il s'agisse de petites ou de grandes choses, et d'y être particulièrement attentif.

Quel message souhaiteriez-vous donner aux personnes souffrant de ces maladies ?

Si vous souffrez d'une MICI et rencontrez des problèmes psychologiques, sachez que vous n'êtes pas seul. Les gens se heurtent souvent à l'incompréhension de leur entourage en raison d'une connaissance insuffisante de la maladie. J'encourage toujours à chercher des contacts avec des personnes dans la même situation afin que les patients se rendent compte que d'autres vivent la même chose et rencontrent les mêmes obstacles.

Références

  1. CHU Liège, by https://www.chuliege.be/jcms/c2_25054697/en/journee-informative-des-mici-maladies-inflammatoireschronicum-de-l-intestin. Consulté le 26/07/2023.
  2. Marín-Jiménez I et al. Management of the Psychological Impact of Inflammatory Bowel Disease: Perspective of Doctors and Patients-The ENMENTE Project. Inflamm Bowel Dis. 2017 Sep;23(9):1492-1498. doi: 10.1097/MIB.0000000000001205.

 

AbbVie SA/NV - BE-ABBV-230076 (V1.0) - August 2023